Vous avez une étude notariale sous la forme d’une société ? Vous êtes concerné par l’ordonnance relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées. 

L’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées est venue clarifier et simplifier l’exercice libérale en société. Elle favorise la création et la croissance des structures juridiques libérales, notamment les études notariales. 

Cette ordonnance a été prise en application de l’article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante

Ainsi, l’ordonnance simplifie et sécurise le cadre juridique applicable à l’exercice en société des notaires. En effet, la multiplication des régimes d’exercice ouverts avait rendu complexe l’application des règles et a pu dissuader certains professionnels. 

L’ordonnance est maintenant le texte de référence pour l’exercice en société des professions libérales réglementées c’est-à-dire pour les sociétés civiles professionnelles, les sociétés en participation, les sociétés d’exercice libéral, les sociétés pluri-professionnelles d’exercice et les sociétés de participations financières de professions libérales. 

Elle crée un dispositif législatif unique. Toutefois des régimes parallèles et historiques continuent tout de même à s’appliquer. 

L’ordonnance comprend 135 articles répartis en six livres : 

  1. Dispositions communes aux sociétés d’exercice de professions libérales réglementées ;
  1. Des sociétés civiles ;
  2. Des sociétés d’exercice libéral ;
  3. Des sociétés pluri-professionnelles d’exercice :
  4. Des sociétés de participation financière de professions libérales 
  5. Dispositions diverses.

Faisons le point sur les nouvelles mesures applicables aux études notariales sous forme de société. 

Le champ d’application de l’ordonnance : les dispositions communes

Les dispositions communes délimitent clairement le champ d’application du régime. Pour cela, elles définissent les notions utilisées. Elles n’étaient pas encore définies par la loi. Il s’agit :

  • des professions libérales réglementées : « Personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client, du patient et du public, des prestations mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées.
    Ces professions sont soumises à un statut législatif ou réglementaire ou leur titre est protégé.
    Elles sont tenues, quel que soit le mode d’exercice de leur profession et conformément aux textes qui régissent son accès et son exercice, au respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle susceptibles d’être sanctionnés par l’autorité compétente en matière disciplinaire » (article 1).
  • du personnel exerçant : « la personne physique ayant qualité pour exercer sa profession ou son ministère, enregistrée en France conformément aux textes qui réglementent la profession, et qui réalise de façon indépendante des actes relevant de sa profession ou de son ministère. La seule réalisation d’actes de gestion ne confère pas la qualité de professionnel exerçant » (article 3).
  • de la personne européenne : « la personne physique ou morale établie dans un État membre de l’Union européenne autre que la France, dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse et qui exerce, dans l’un de ces États, une activité présentant les caractéristiques d’une profession libérale réglementée » (article 4).

L’ordonnance répartit également les professions libérales réglementées en trois familles (article 2) : 

  • la famille des professions de santé ;
  • la famille des professions juridiques ou judiciaires (dont vous faites parties en tant que notaire) ;
  • la famille des professions techniques et du cadre de vie

Les mesures concernant les sociétés des professions libérales réglementées

L’ordonnance modifie le paysage juridique de l’exercice en société des notaires. Elle réunit toutes les dispositions législatives des sociétés des professions libérales réglementées et abroge :

1. Pas de grande refonte pour la société civile professionnelle (SCP)

Le livre II de l’ordonnance reprend la loi n° 66-879. Il intègre les mesures concernant les sociétés civiles professionnelles, les sociétés de moyen, les sociétés coopératives et les sociétés en participation des professions libérales

L’ordonnance ne refond pas la société civile professionnelle (SCP). Toutefois, elle est venue préciser deux points. 

Pour rappel, une SCP ne peut normalement pas être détenue par un seul associé. L’ordonnance prévoit un délai plus important pour régulariser une SCP détenue par un seul associé (article 29). En effet, si votre SCP de notaires n’est détenue que par un seul associé (par exemple en raison du départ de votre associé), vous aurez deux ans pour régulariser la situation, contre un an actuellement. Au-delà, tout intéressé pourra demander la dissolution en justice. Toutefois, le tribunal pourra vous accorder un délai supplémentaire de trois ans, contre six mois auparavant. 

Par ailleurs, si vous avez besoin de transformer votre SCP, vous pourrez décider la transformation à la majorité des 2/3 des associés, sous réserve d’une clause des statuts contraire (article 30). 

Enfin, les sociétés en participation des professions libérales sont maintenant ouvertes à toutes les professions libérales réglementées et aux associés personnes morales (article 34). 

Pour rappel, les professions libérales réglementées comprennent les professions suivantes : administrateur judiciaire, agent général d’assurance, architecte, architecte d’intérieur, avocat, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, avoué auprès des cours d’appel, chiropracteur, chirurgien-dentiste, commissaire aux comptes, commissaire de justice (ex commissaire-priseur et huissier de justice), conseil en investissements financiers, conseil en propriété industrielle, diététicien, ergothérapeute, expert agricole, foncier et expert forestier, expert devant les tribunaux, expert-comptable, géomètre-expert, greffier auprès des tribunaux de commerce, infirmier libéral, directeur de laboratoire d’analyses médicales, mandataire judiciaire, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, masseur-kinésithérapeute, médecin, notaire, orthophoniste, orthoptiste, ostéopathe, pédicure-podologue, psychologue, psychomotricien, psychothérapeute, sage-femme, vétérinaire.

2. L’évolution de la société d’exercice libéral (SEL)

Le livre III de l’ordonnance traite de la société d’exercice libérale (SEL). Elle fait évoluer certaines règles. 

Si vous avez votre étude notariale sous la forme d’une SEL, vous devez communiquer, chaque année, à l’Ordre des notaires la composition de son capital social. L’ordonnance augmente les documents à transmettre annuellement (article 44) : 

  • la répartition des droits de vote ;
  • une version à jour des statuts ;
  • les conventions contenant des clauses sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice. 

L’ordonnance fait aussi évoluer les règles de détention du capital social d’une SEL (article 46 – 47). Pour rappel, la majorité du capital est détenue par des professionnels exerçant au sein de la SEL (des notaires pour une SEL notariale). Pour le reste, le capital peut être détenu par : 

  1. des personnes physiques, professionnels exerçants ou des personnes morales exerçant la profession constituant l’objet social de la société (des notaires ou des études notariales) ;
  2. des associés, personnes physiques qui, ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé la profession concernée au sein de la SEL (c’est-à-dire des  notaires associés de la SEL notariale, mais qui ont cessé d’exercer la profession). Ils peuvent détenir les parts pendant 10 ans ; 
  3. des ayants droits des associés mentionnés au 2 pendant cinq ans suivant leur décès ; 
  4. une société de participations financières de professions libérales ;
  5. des personnes exerçant une profession libérale réglementée de la même famille (famille des professions juridiques et judiciaires pour des notaires) ;
  6. des personnes européennes dont l’activité constitue l’objet social de la société.

À l’expiration du délai de cinq ans, la SEL peut racheter les parts des ayants droits ou réduire le capital de la société s’ils n’ont pas cédé leurs parts sociales. Grâce à l’ordonnance, ce sera également le cas pour les parts des anciens notaires à l’issue du délai de 10 ans (article 51). 

Pour rappel, plus de la moitié du capital social et des droits de vote peut également être détenue par (article 81) :

  • tout professionnel exerçant une professions juridiques ou judiciaires ou par toute personne morale, établis en France ou une personne européenne exerçant une profession juridique ou judiciaire ;
  • des sociétés de participations financières de professions libérales. 

L’ordonnance prévoit également un délai d’un an pour vous mettre en conformité lorsque les conditions relatives à la détention du capital et des droits de vote ou de la gouvernance d’une SEL ne seront plus respectées (article 53). À défaut, tout intéressé pourra demander la dissolution de votre société. Toutefois, le tribunal pourra vous accorder un délai supplémentaire de six mois pour régulariser la situation.

Par ailleurs, l’ordonnance dispose que vous pourrez insérer dans les statuts de la SEL, les modalités de retrait des associés, sous réserve qu’aucun texte propre à la profession de notaire n’ait de dispositions particulières sur ce point (article 57). 

Enfin, lorsque votre SEL sera détenue majoritairement par des professionnels exerçant en dehors de celle-ci, tous les associés participeront aux délibérations ayant trait aux conventions réglementées (article 83). 

À noter 

À partir du 1er septembre 2024, les SEL des notaires ne seront plus concernés par les restrictions concernant l’attribution des droits de vote double. 

Vous aurez jusqu’au 31 août 2025 pour mettre en conformité votre SEL. En revanche, les nouvelles règles de remontée des informations aux chambres des notaires devront être respectées dès le 1er septembre 2024. 

3. Aucune grande nouveauté pour les sociétés pluri-professionnelles d’exercice

Le livre IV traite de la société pluri-professionnelle d’exercice (SPE). Pour rappel, en tant que notaire, vous pouvez tout à fait faire partie d’une SPE. 

L’ordonnance ouvre son périmètre aux géomètres-experts (article 96). 

Par ailleurs, elle confirme que les associés des SPE peuvent mettre en commun les moyens matériels nécessaires au fonctionnement de leur activité

Comme pour les autres sociétés de professions libérales, l’ordonnance a augmenté la transparence des sociétés. Ainsi, à partir de l’entrée en vigueur du texte, les SPE devront communiquer à l’Ordre des notaires, en plus de la composition de leur capital social (article 100) : 

  • un état des droits de vote ;
  • une version des statuts à jour ;
  • les conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice.  

Enfin, en cas de manquement aux règles de détention du capital et des droits de vote, vous disposerez d’un délai d’un an pour mettre la société en conformité. À défaut, tout intéressé pourra demander la dissolution. Toutefois, le tribunal pourra vous accorder un délai supplémentaire de six mois afin de régulariser la situation de la SPE (article 104). 

4. Peu de changements pour les sociétés de participations financières de professions libérales

Le livre V améliore les dispositions des sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL) dite les « holdings libérales ». 

Premièrement, les SPFPL peuvent détenir, gérer et administrer tous biens et droits immobiliers sous réserve que ces activités soient destinées exclusivement au fonctionnement de sociétés dans lesquelles elles détiennent des participations. Elles peuvent notamment détenir des parts de sociétés civiles ou commerciales aux seuls fins d’acquérir et d’administrer des immeubles (article 110). 

Bon à savoir

L’ordonnance ouvre la possibilité à un décret d’autoriser une SPFPL de professions juridiques et judiciaires, comme une SPFPL de notaires, à détenir des titres de sociétés commerciales, sous réserve que l’objet de ces sociétés soit la réalisation d’une activité que les professionnels détenant la SPFPL sont autorisés à exercer.

Deuxièmement, l’ordonnance ouvre l’accès des SPFPL aux sociétés d’experts-comptables.

Troisièmement, vous aurez un délai pour régulariser la SPFPL qui risque la dissolution car elle ne remplit plus son objet, c’est-dire si elle ne détient plus de participations (article 110). Par ailleurs, en cas de violation des règles de composition du capital et des droits de vote ou des règles de gouvernance, vous aurez un délai d’un an pour mettre la SPFPL de notaires en conformité (article 118). Au-delà, tout intéressé pourra demander sa dissolution au tribunal. Toutefois, le tribunal pourra vous accorder un délai supplémentaire de six mois pour régulariser la situation. 

Enfin, comme pour les autres sociétés mentionnées, votre SPFPL de notaires devra communiquer à sa chambre des notaires, en plus de la composition de son capital social (article 113) :

  • un état des droits de vote ;
  • une version à jour de ses statuts ;
  • les conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé. 

En conclusion, l’ordonnance du 8 février 2023 est devenue le texte de référence précisant les règles applicables aux sociétés de professions libérales, notamment des études notariales. Elle a clarifié et unifié les différents régimes juridiques permettant aux professions libérales réglementées d’exercer leur profession. 

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