La réforme de la déontologie et de la responsabilité des officiers ministériels a été concrétisée par une ordonnance publiée au Journal officiel du 14 avril 2022. Ces nouveaux principes, en vigueur depuis le 1er juillet 2022, refondent l’organisation déontologique du notariat. Code de la profession, collèges de déontologie, traitement des réclamations… Voici tout ce qu’il faut savoir de ces nouveaux outils destinés à renforcer la confiance du public dans l’action des notaires.

Pourquoi cette réforme ?

Amorcée par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, la réforme de la déontologie et de la responsabilité des notaires vise à renforcer l’efficacité des officiers ministériels. Les avocats, les greffiers des tribunaux de commerce, les commissaires de justice et les notaires sont donc tous concernés par ces nouveaux principes.

Le constat d’un régime disciplinaire inefficace

C’est un rapport de l’Inspection Générale de la Justice (IGJ) déplorant en décembre 2020 la « disparité des régimes disciplinaires de ces professions » qui a impulsé cette refonte de leur déontologie. En effet, l’IGJ y relève une grande complexité de la législation qui régit l’exercice de ces métiers, entraînant de facto un règlement des litiges bien trop laborieux.  

Pour en arriver à cet état de fait, 231 entretiens avec les représentants nationaux de chaque profession ont été menés par l’Inspection Générale de la Justice. Aux termes de ce rapport, l’IGJ a jugé nécessaire une évolution normative des règles disciplinaires attachées aux professions du droit, et donc au notariat.

Pour une meilleure gestion du traitement des recours

Le constat de la défaillance des instances disciplinaires de ces professions, entraînant notamment trop peu de sanctions prononcées, a donc incité le gouvernement à considérer les 25 recommandations qui sont ressorties de ce rapport.

Parmi elles, la question des réclamations et des réponses que leur donne la profession y tient une place importante. En effet, au-delà d’une plus grande information sur l’action disciplinaire à mettre en place à tous les échelons, l’IGJ préconise de repenser la manière géographique de gérer le traitement des recours. Et c’est en ce sens qu’elle recommande une redistribution des pouvoirs disciplinaires :

  • D’abord au niveau local, où des représentants locaux investis de pouvoirs spécifiques auront vocation à traiter les manquements minimes ; 
  • Ensuite au niveau interrégional pour les manquements les plus graves ;
  • Et enfin, à l’échelle nationale où une commission administrative indépendante se verra chargée des recours.

Mais si cette redistribution géographique est une recommandation jugée importante par l’IGJ, elle rentre dans un cadre de réforme bien plus vaste.

Les objectifs de la réforme déontologique des officiers ministériels

La réforme de la déontologie et de la responsabilité des officiers ministériels répond en effet à un ensemble d’objectifs tirés des constatations de l’inspection générale de la justice :  

  • simplifier le cadre juridique de la discipline afin de le rendre plus efficace ;
  • confier au procureur général la surveillance des officiers publics et ministériels ;
  • améliorer le traitement des réclamations des usagers, en privilégiant notamment la résolution amiable des différends ;
  • instituer de nouvelles juridictions qui auront pour rôle de faire respecter leurs obligations aux OPM ;
  • approprier l’échelle des peines disciplinaires prévues.

En résumé, cette réforme de la déontologie et de la discipline a pour but d’atténuer le formalisme qui, jusqu’à ce jour, complexifiait et ralentissait les procédures.

Les axes principaux de la nouvelle déontologie notariale

A la mise en place de véritables juridictions disciplinaires, viennent s’ajouter d’autres outils destinés à mieux encadrer la profession afin de renforcer la confiance des usagers dans l’action des professionnels du droit dont les notaires font partie. Ainsi, l’ordonnance du 13 avril 2022 instaure de nouveaux principes de la discipline notariale parmi lesquels la création de collèges de déontologie s’impose comme l’un des piliers de cette réforme.

Précisées par décret, les modalités de nomination et de fonctionnement de ses membres chargent le Conseil Supérieur du Notariat (CSN) de l’élaboration d’un code de déontologie des notaires. Ainsi, la CSN, en tant qu’institution nationale de la profession notariale, a pour rôle de réglementer et adapter l’ordre juridique français comme c’est déjà le cas pour d’autres professions telles que les avocats, la police nationale, les commissaires aux comptes ou les médecins.

De surcroît, le respect de ces nouvelles règles déontologiques se voit renforcé par un véritable pouvoir de coercition. En effet, les instances notariales peuvent désormais imposer aux notaires de se conformer à ce nouveau règlement sous peine d’astreintes.

Par ailleurs, le notariat est maintenant doté de nouvelles juridictions disciplinaires qui incluent des magistrats ainsi qu’un service d’enquête indépendant. Ces dernières peuvent dorénavant s’appuyer sur la nouvelle classification des peines pour prononcer une sanction disciplinaire sous forme d’amende. 

Les spécificités de la réforme relatives aux notaires

n plus de sa vocation à saisir le collège de déontologie du notariat, le président du conseil régional a également la mission de traiter les réclamations des usagers. Et, à des fins de vérification de la bonne application de cette réforme, les présidents des conseils régionaux ou interrégionaux doivent transmettre un rapport annuel d’activité des notaires au Président du CSN

Par ailleurs, seuls les services d’enquête pour les notaires peuvent demander aux conseils régionaux ou au CSN, l’intervention de personnes qualifiées pour les nécessités des investigations.

Une ordonnance et un décret venus préciser la réforme

Comme prévu dans l’article 41 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, le gouvernement à légiférer par l’ordonnance n° 2022-544 et le décret 2022-545 du 13 avril 2022. Les précisions apportées cette réforme portent notamment sur :

Élaboration d’un Code de déontologie pour les notaires

Les articles 2 et 3 de cette ordonnance rappellent que l’article 32 de la loi du 22 décembre 2021 prévoit qu’un code de déontologie pour les notaires soit préparé par le CSN avant d’être adopté par décret en conseil d’Etat.  Un collège de déontologie a donc pour mission de participer à l’élaboration de ce code mais également d’émettre des recommandations sur son application. Le décret du 13 avril 2022 vient quant à lui, préciser le fonctionnement et l’organisation desdits collèges.  

Ce code de déontologie a pour but d’énoncer les devoirs et les principes professionnels qui permettent le bon exercice des fonctions notariales.  Il y est en effet rappelé que toute infraction aux règles professionnelles commis par un notaire peut être sanctionnée disciplinairement. Et ce, y compris pour des faits commis en dehors de l’exercice de sa profession.  

Rappel à l’ordre et injonction avec astreinte avant toute procédure disciplinaire 

L’article 35 de la loi précitée et l’article 6 de l’ordonnance, indiquent qu’en cas de manquement d’un notaire à ses obligations, l’autorité compétente de la profession peut, même d’office, avant l’engagement éventuel de poursuites disciplinaires, prendre des mesures préventives : 

  • Lui demander des explications et, le cas échéant, le convoquer ; 
  • Lui adresser, à l’issue d’une procédure contradictoire, un rappel à l’ordre ou une injonction de mettre fin au manquement. Elle peut assortir cette injonction d’une astreinte, destinée à obliger le professionnel à exécuter son obligation. Cette dernière consiste généralement dans le paiement d’une amende par jour de retard. 

Amélioration de l’accueil des réclamations et conciliation obligatoire 

L’article 36 de la loi et 4 de l’ordonnance porte sur les dispositions de l’article L 112-3 du Code des relations entre le public et l’administration. Il rappelle que toute réclamation à l’encontre d’un notaire doit donner lieu à un accusé de réception l’en informant et l’invitant à présenter ses observations. 

Lorsque la nature de la réclamation le permet, et sous réserve des réclamations abusives ou manifestement mal fondées, l’autorité convoque les parties en vue d’une conciliation.  En cas d’échec de la conciliation, l’auteur de la réclamation peut saisir le procureur ou les nouvelles juridictions disciplinaires. 

Création de nouvelles juridictions disciplinaires 

L’article 38 de la loi indique que des chambres de discipline seront instituées auprès de chaque Conseil régional des notaires et composées d’un magistrat du siège de la Cour d’appel ainsi que de deux notaires. 

Ces chambres rendront des jugements contre lesquels il sera possible de faire appel auprès du Conseil supérieur du notariat. Cette cour nationale d’appel sera composée de trois magistrats et de deux notaires et les arrêts rendus pourront faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation. 

Selon l’article 37 de la loi et 10 de l’ordonnance un service d’enquête sera créé auprès de chaque chambre de discipline pour réaliser des investigations sur les faits reprochés au notaire.  Il pourra être saisi par les autorités qui exercent l’action disciplinaire ou la juridiction disciplinaire.  

Exercice de l’action disciplinaire

Pour exercer l’action disciplinaire, l’article 29 de l’Ordonnance désigne le président du conseil régional ou interrégional et à défaut, le président du Conseil supérieur du notariat.  Selon l’article 8 de l’ordonnance, le procureur général peut également déclencher des poursuites disciplinaires

De plus, l’auteur d’une réclamation peut saisir les instances disciplinaires des notaires en cas d’échec de conciliation. (article 4 de l’ordonnance).   

Rôle du procureur général 

Selon l’article 34 de la loi et 8 de l’ordonnance, le procureur général a pour mission la surveillance de la déontologie des notaires.  A cette fin, il peut saisir les services d’enquête et demander explication aux instances représentatives de la profession ou au professionnel concerné. Il exerce l’action disciplinaire à l’encontre des notaires avec les autorités habilitées à l’exercer. 

Remaniement des peines 

Au-delà des peines en matière de lutte contre le blanchiment régies par l’article L. 561-36-3 du Code monétaire et financier), les peines disciplinaires pouvant être prononcées à l’encontre d’un notaire sont définies dans l’article 39

  • L’avertissement,
  • Le blâme,
  • L’interdiction d’exercer à titre temporaire pendant une durée maximale de 10 ans (sursis possible),
  • La destitution qui emporte interdiction d’exercice à titre définitif, 
  • Le retrait de l’honorariat. 

Une peine d’amende dont le montant ne pourra excéder 10.000 euros ou 5% du chiffre d’affaires HT de l’année en cours pourra également être prononcée.

Suspension provisoire d’un notaire

En cas d’urgence ou pour la protection d’intérêts publics ou privés, les articles 40 de la loi et 17 de l’ordonnance indiquent que le président de la juridiction disciplinaire peut suspendre provisoirement un notaire de ses fonctions

Ne pouvant excéder 6 mois, la suspension est renouvelable une fois mais peut faire l’objet d’un recours de la part du notaire suspendu devant la cour nationale de discipline.  

Entrée en vigueur et mise en œuvre de la nouvelle réforme de déontologie et de responsabilité des notaires.

L’ordonnance du 28 juin 1945 qui régissait jusqu’ici la profession est abrogée par l’article 34 de la nouvelle ordonnance. La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et l’ordonnance sont entrées en vigueur au 1er juillet 2022 exception faite de l’article 3, concernant les collèges de déontologie, entré en vigueur au 15 avril 2022. 

Le 9 novembre 2022, une circulaire de présentation de la réforme de déontologie et de discipline des officiers publics et ministériels, adressée notamment à Sophie Sabot-Barcet, Présidente du Conseil Supérieur du Notariat (CSN), est venue préciser la mise en pratique de ce nouveau régime. Dans ce document de 51 pages, le garde des Sceaux invite les notaires, comme les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les commissaires de justice ainsi que les greffiers des tribunaux de commerce à se « saisir pleinement de ce nouveau dispositif ».

6 fiches techniques ont été incluses à cette présentation de la réforme afin de porter des précisions sur : 

  • l’harmonisation du régime déontologique et disciplinaire des officiers ministériels ;
  • le renforcement du dispositif de contrôle et d’actions déontologiques, avec en annexe un modèle de transmission de la réclamation, un modèle de réponse à cette déclaration, et un schéma du traitement des réclamations ;
  • la création de services d’enquêtes indépendants avec une trame de décision d’agrément des membres des services concernés ;
  • la simplification de l’architecture juridictionnelle ;
  • la modernisation de l’échelle des peines ;
  • la procédure disciplinaire devant les juridictions disciplinaires, qui inclut une trame d’assignation à date devant les chambres de discipline et d’un schéma de la procédure disciplinaire.

Conclusion

Comme l’indique la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021, la réforme des règles régissant la déontologie et la discipline des notaires vise donc à « renforcer la confiance du public dans l’action des professionnels du droit ».

C’est dans cet objectif que l’ordonnance n°2022-544 et le décret 2022-545 du 13 avril 2022 fixent 4 axes principaux à l’application de cette réforme : 

  • La simplification du cadre juridique pour assurer le traitement effectif des plaintes et renforcer les droits des plaignants ;
  • Une professionnalisation des juridictions disciplinaires en confiant au procureur général la surveillance des officiers publics et ministériels ;
  • L’assurance de l’instruction des dossiers disciplinaires au travers de la création de services d’enquête ; 
  • Une modernisation de l’échelle des peines avec notamment l’apparition de sanctions disciplinaires.

En résumé, la réforme de la déontologie et de la responsabilité des notaires étudiée dans cet article, qui l’est également pour les autres professionnels de droit, applique désormais une véritable harmonisation de la profession.